Art/Graphic Director, touche-à-tout passionné par la communication et de la création graphique sous toutes ses formes, je m'installe à Paris en 2009. Je travaille dans les univers de la beauté (cosmétique, parfumerie, bijouterie), mais pas que… Art/Graphic Director, je réalise pour des particuliers et des entreprises des identités visuelles, des éléments de communication, des photoshoot et du conseil avec leur déploiement à 360°. Parallèlement à ça, j'occupe mon temps entre la peinture, l'écriture et surtout la photographie.

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Ok. Il faut qu’on parle.

Hier soir, je fus au théâtre. Le sujet, dur, ne m’avait pas préparé à la claque que j’allais prendre. La claque, que disé-je, la torgnole, la bourrade dans l’estomac, le coup de massue, le passage à tabac. C’est d’une rare violence. C’est fou. C’est à voir.

Hier soir, je fus au théâtre. Et ce fut magistral.

L’histoire avec un grand H

La pièce The Normal Heart, traite d’un sujet délicat.

Écrite en 1985, la pièce relate la terreur qui s’empare de la communauté LGBT, succombant à un mal inconnu. Nous sommes en 1981, une maladie insidieuse et invisible qui n’a pas de nom, se répand comme la peste. Les gays new-yorkais se meurent. La terreur est palpable. Si aujourd’hui, lorsqu’une épidémie arrive, on en connaît le nom, la souche et l’origine dans les 24 heures, imaginez l’effroi que représente une maladie sans nom et sans visage, à la contamination inconnue.

C’est ce que traversent Ned Weeks et ses amis, qui vont fonder l’association “Gay Men’s Health Crisis“. Il va, sans le savoir, créer le militantisme moderne.

Histoire d’amour, de sexe, de mort, de rage, de peur. C’est cela que la pièce explore. Un mal inconnu qui peut être transmis par un mâle inconnu.
L’Amour se met à tuer, dix ans seulement après l’élimination de l’homosexualité du catalogue de maladies de l’American Psychiatric Association (l’association américaine de psychiatrie), en 1973. Douze ans après les émeutes de Stonewall en 1969.

Le pitch ne fait pas forcément rêver, surtout lorsque l’on vit nous-même une épidémie. Et pourtant, cette pièce est d’une importance capitale.

 

L’histoire derrière l’histoire

La pièce est de Larry Kramer. Et celle-ci est une auto-biographie romancée. C’est sa vie qu’il jette en pâture sur scène devant nos regards voyeurs.

Militant de la première heure, la terreur de voir ses amis mourir, le pousse à se révolter. Il co-fonde réellement le GMHC, mais on retient surtout son nom pour la création d’Act Up en 1987.

Dans cette pièce, il crie à la face du monde l’intolérable mort de ses amis, dans l’indifférence générale. Son indignation est la nôtre, tellement l’injustice qu’ils traversent nous prend aux tripes. Une histoire presque oubliée à notre époque, où à l’air de la PrEP et du préservatif, où le VIH a un nom et un traitement (on peut vivre avec, mais on n’en guérit toujours pas), fait partie de notre quotidien.

Cette pièce est une histoire vraie, et ça ne la rend que plus incroyable/effroyable, d’une beauté et d’une tristesse absolue. L’Histoire lui donna raison, lui qui, à l’époque, passait pour un fou et un tyran.

Son histoire d’amour, le drame de sa vie, rien ne nous est épargné. Et c’est beau, triste, révoltant.

 

Et ne quittez pas la salle trop vite, des documents distribués avant et après nous éclairent sur l’histoire derrière l’histoire, sur la fin des personnages réels…

 

L’histoire portée par le talent des comédiens

Si la pièce est si incroyable, au de-là de son aspect historique et de son écriture excessivement moderne et juste, c’est qu’elle est portée par une distribution impressionnante.

On y retrouve Dimitri Storoge, Michaël AbiteboulJoss BerliouxAndy GilletDéborah GrallBrice Michelini, et Jules Pelissier. L’adaptation française et la mise en scène sont faites impeccablement par Virginie de Clausade.

Ils sont toutes et tous flamboyant sur scène. Une justesse de ton impeccable. Ils crachent littéralement leurs émotions pendant les presque 2 h de la pièce. Deux heures ? À peine le temps d’un bâtiment de cœur. Le texte est si dense, que ça passe à une vitesse fulgurante. On reste scotché, suspendu à leurs lèvres.

Je crois que je n’ai jamais été aussi concentré de ma vie, aussi longtemps. On est en suspens. On ose à peine respirer. Ils sont là, à quelques mètres, se mettant à nu à travers des cris et de la rage. On est tétanisé. On est subjugué. On est captif. On est sidéré.

Les comédiens donnent tout, et hurlent la moitié du temps. On sort de la pièce physiquement épuisé. Je ne comprends même pas comment on peut déployer autant d’énergie six jours dans la semaine. Si je devais avoir le rôle de Ned, je serais aphone dès la première représentation, et au lit les deux jours suivants pour m’en remettre. Impressionnant.

Éric Maillard, co-détenteur des droits d’adaptation de la pièce pour la France avec Frédéric Borriello, nous expliqua à la fin :
Il y a diverses réactions à la pièce. En sortant, les gens peuvent être sous le choc et mutique durant plusieurs minutes ; d’autres en ressortant la rage en ventre, avec l’envie de s’engager dans le militantisme ; d’autres encore, avec une soif de vivre intensément, de tomber amoureux. La pièce est très dense et difficile à digérer. Un psychiatre explique ce phénomène : il y a tellement d’informations qui s’enchaînent rapidement, que le cerveau n’a pas le temps de traiter les émotions qu’elles suscitent. À la fin de la pièce, elles se bousculent d’un coup.

Et c’est sûr, que des émotions, il y en a. J’ai compté, et à cinq reprises, j’eus les larmes aux yeux. La dernière fut la bonne, où une larme s’échappa avant d’être bu par mon masque.

 

L’histoire qui doit se poursuivre

Cette pièce, d’une invraisemblable modernité malgré sa date d’écriture, se doit d’être vue. Elle participe au devoir de mémoire de la communauté LGBT, mais plus encore, du monde moderne.

La pièce a encore un avenir incertain. L’équipe qui porte cette pièce, Éric Maillard en tête, souhaite la faire tourner dans un maximum d’endroits. En particulier, là où le théâtre est méconnu, dans les quartiers défavorisés, aux jeunes générations, qui n’ont pas connu cette époque.

On leur souhaite de réussir, car cette pièce mérite un succès populaire tonitruant. Que ce soit pour l’auteur, pour l’adaptation, pour la distribution sans faille.

D’habitude, si je vous parle d’une pièce, d’un seul en scène, d’un livre ou d’un film, c’est parce que j’ai réalisé l’affiche ou la couverture. Ce n’est pas le cas ici. L’affiche est de Stéphane Trapier, comme toutes les affiches du Théâtre du Rond Point.

Mais je me devais de vous parler de celle-ci, par ce que vraiment : wow.

Allez le voir.

 

 

Au théâtre du Rond Point.
Du 8 septembre au 3 octobre 2021, du mardi au samedi à 21h, et le dimanche à 15h30.

Une pièce de : Larry Kramer
Adaptation et mise en scène : Virginie de Clausade
Avec : Michaël AbiteboulJoss BerliouxAndy GilletDéborah GrallBrice MicheliniJules PelissierDimitri Storoge
Costumes : Colombe Lauriot-Prévost
Assistant costumes : Andrea Millerand
Traduction et adaptation : Virginie de Clausade
Scénographie : Olivier Prost
Lumières : Bastien Courthieu

Production : Les Lucioles
Coproduction : Théâtre du Rond-Point, en accord avec Frédéric Borriello.
Communication Spin-Off Conseil : Éric Maillard
Co-réalisation : Théâtre du Rond-Point.

Jean-Côme

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