Art/Graphic Director, touche-à-tout passionné par la communication et de la création graphique sous toutes ses formes, je m'installe à Paris en 2009. Je travaille dans les univers de la beauté (cosmétique, parfumerie, bijouterie), mais pas que… Art/Graphic Director, je réalise pour des particuliers et des entreprises des identités visuelles, des éléments de communication, des photoshoot et du conseil avec leur déploiement à 360°. Parallèlement à ça, j'occupe mon temps entre la peinture, l'écriture et surtout la photographie.

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Twitter devient X

On ne parle que de ça depuis plusieurs jours : le réseau social Twitter subit une nouvelle facétie d’Elon Melon Musk, son richissime mégalo propriétaire. Du jour au lendemain, l’oiseau bleu est devenu un x, Twitter est devenu X.

Un rebranding expresse

Quezaco ?

Tout a déjà été dit sur ce changement. Mais il est important de bien comprendre l’implication que le changement de branding d’une marque entraîne sur celle-ci :

  • son identité visuel change : il faut accompagner ce changement pour le pas perdre le consommateur/utilisateur. La marque risque de ne plus être reconnue.
  • son nom change : pour l’utilisateur et le référencement naturel, il faut bien le préparer en amont car on risque une forte chute. Le cas de Twitter est d’autant plus complexe qu’il a donné lieu à des antonomases avec la création du verbe tweeter et du mot tweet.
  • changement de positionnement : en général, on change pour se repositionner ou donner un coup de jeune à une marque.

En un mot : c’est tout le territoire de marque qu’il faut redéfinir.

C’est un travail de longue haleine qui se prépare sur le long terme. C’est souvent un très gros risque stratégique. C’est pourquoi c’est, en général, réalisé par étape, avec l’ancien et le nouveau logo coexistant un temps. Quand ce n’est que le logo qui change, cela n’est pas nécessaire. Mais lorsque le logo ET le nom change, ça devient important et c’est souvent accompagné d’une grosse campagne de communication (exemple avec “Petit déjeuner de Lu devient Belvita”).

Et Elon Melon Musk semble ne respecter aucun de ces pré-requis, agissant comme sous le coup d’une lubie.

Pourquoi ?

Il semble que le CEO de Twitter, voue un véritable culte à la lettre X, représentation de l’inconnue en arithmétique. Il a donc tendance à le mettre à toutes les sauces. Rappelez-vous du prénom de son fils : X Æ A-12.

« X, la variable inconnue, Æ, que je prononce “Ai” pour amour ou , A-12 qui est le précurseur du SR-17 (notre avion préféré), aucune arme ni défense, juste de la . Fort au combat mais pas violent. Le A signifie aussi “Archangel”, ma chanson préférée », a-t-elle expliqué sur son compte .



Il commence donc par le X de l’inconnue. Son fils est donc une inconnue. Soit. C’est toujours agréable. (Et une IA, et un avion et une chanson…)

Concernant sa mégalomanie, transparente avec ce prénom, il a déjà essayé de changer le nom d’une marque en X. Et pas n’importe laquelle, une autre qui a déjà son territoire de marque bien implanté : PayPal.

Bref, il y a sans doute un tas d’autres raisons à ce changement, mais la principale, apparemment, est une lubie, une fixation du CEO. Et c’est sans doute pour ça qu’elle ne répond, stratégiquement et opérationnellement, à aucun critère basique d’un rebranding.

Un rebranding chaotique
(pour être poli)

Un nom lambda

Le plus important lorsque l’on créait une marque, c’est évidemment son nom. Il doit être différenciant, porteur de sens, vecteur de valeurs et mémorisable. Un travail de Concepteur Rédacteur pointu.

Twitter :

“tweet-tweet” et l’anglais pour notre “cui-cui”.
Le sens est clair : un message bref, court, que l’on attrape au vol.

Les oiseaux communiquent comme ça sur de longue distance, transmettant les informations aux restes des oiseaux. Et c’était le sens de “tweeter” : partager rapidement une information pour qu’elles se diffusent au plus grand monde dans un court laps de temps.

Aucune autre marque ne s’appelait ainsi. L’onomatopée devient un verbe “to tweet”, puis un mot “a tweet”.
Le nom de marque devient une antonomase et s’implante dans le langage universel. En tant qu’antonomase (nom propre qui devient verbe) il n’est donc pas traduit. Sinon, en France, nous aurions eu des propositions de traduction comme “divulgâcher” pour spoiler. Là, non : c’est une marque, et nous n’avons donc pas vu d’Académicien nous dire de “cuier” et de poster des “cui” (aurait-il, notre Académicien facétieux, proposé “piailler” ? Non, car on ne cherche pas à traduire “to squeal”).

Le nom de marque coche toutes les cases.

X :

x, c’est l’inconnue.
Le sens n’est pas clair : il faut l’expliquer car ce n’est pas du tout la première chose qui vient à l’esprit avec la lettre X pour le grand public.

X c’est avant tout la lettre de la pornographie. Cela l’a été aux USA et en France, et même si maintenant on parle de contenus “NC-17” aux USA et “moins de 18 ans”, le terme de films X n’a pas perdu son sens. Avec la mondialisation, le “X” comme contenu pornographique est devenu universel.

La valeur du X, une fois que l’on sait qu’il s’agit de l’inconnue : cela indique que ce qu’on va trouver sur le site sont des inconnues. On doit donc remettre en cause tout ce qui se trouve sur le site. On perd la valeur de transparence et on gagne la valeur conspirationniste. On gagne par contre, le sens d’aller sur le site pour y résoudre une inconnue, y trouver des réponses.

X est tellement banal, une simple lettre, qu’il se retient très facilement… mais il n’a rien d’identifiant ou de segmentant. Et impossible, évidemment, d’en faire un verbe ou un mot. “Tweeter” est devenu “publier”, comme sur n’importe quel site, blog, réseaux sociaux divers.

Comparaison :

On passe donc d’un nom qui à une signification claire et qui porte le sens de la transmission rapide d’informations et est vecteur de la valeur de l’accessibilité au plus grand monde et la fiabilité, à un nom qui n’a aucune signification claire (allant même à contre-sens de la signification intrinsèque de celle-ci), qui porte le sens d’une information cachée à l’origine et la véracité inconnue, et qui n’est pas vecteur de valeur.
Le site qui était “transmetteur” d’informations, devient un site où il faut “enquêter” pour trouver l’information que l’on cherche (la fameuse inconnue). L’utilisateur passe d’un serein lecteur d’informations, à un enquêteur septique.Un changement de paradigme important.

Un logo bâclé

Évidemment, le plus important lorsqu’on opère un rebranding (surtout lorsque l’on choisit un nom au sens peu clair et sans identité ségmentante), c’est la direction artistique du nouveau logo. Il faut que celui-ci complète, remplace, compense le manque de sens et de valeur du nom.

La typographie :

Ici, rien ne va : le X n’est tout simplement pas un logo, mais une lettre issue d’une typographie. Vous pouvez d’ailleurs l’acheter ici pour $ 33 : Monotype Special Alphabets 4.

Plus précisément : le logo est issu d’un certain Alex, créé pour un podcast avec Sawyer Merritt et Omar Qazi sur l’envie/le besoin d’Elon Musk de créer un holding nommé X.

Problème donc : le logo a été réalisé par des amateurs et pas par un Directeur Artistique/graphiste/typographe, utilisant une typographie existante. Je ne sais pas si Elon Musk a acheté le logo au podcast (pas sûr vu la réaction des trois podcasteurs) ou s’il a acheté les droits d’utilisation de la typographie.

Il faut savoir qu’un logo, pour une marque aussi importante, peut se vendre très cher. Le plus cher, je crois, est celui de la British Petroluem Company, pour 170 000 000 €. En France, nous avons le logo de l’ANPE qui a atteint les 2 400 000 €.

À votre avis, combien aurait dû payer Elon Musk pour utiliser la typographie Special Alphabet comme logo ?

Le problème, c’est que réaliser un logo est un travail. Réaliser une typographie et sa police d’écriture en est un autre. Et nombreux sont ceux qui ont fait preuve de leur expertise pour dézinguer le nouveau logo.

Car, quand on le regarde, il semble évident que les deux côtés de la petite barre du X ne sont pas alignés. Ils le sont pourtant. Le logo est mathématiquement et symétriquement correct… mais pas à l’œil. Or, tout bon graphiste le sait, c’est l’œil qui prime. Il est parfois nécessaire de déséquilibrer une composition pour la rendre plus équilibrée et belle à l’œil.

Le typographe Australien Dave Foster nous le démontre dans ce tweet évident : à gauche, le logo officiel qui semble bancal malgré sa symétrie, à droite, le logo comme il aurait dû être équilibré :

La couleur

La couleur est évidemment primordiale dans un logo car elle est porteuse de sens.

Le bleu est une couleur froide et apaisante.
Le bleu symbolise le ciel et la mer communes à tous : il est symbole d’unité.
Le bleu symbolise la stabilité, la confiance, la loyauté et la vérité : il est symbole de sécurité.
Le bleu symbolise le chakra Vishuda, situé dans la gorge : il est symbole de communication.
Le bleu a les mêmes valeurs dans toutes les cultures du monde : il est symbole universel.

C’est pourquoi tous les réseaux sociaux et d’échanges sont bleus. Ils sont porteurs de ses valeurs. Quand ce n’est pas le cas (comme Instagram désormais ou Snapchat), c’est que leurs valeurs principales ne sont pas celles-ci.

 

(Autre exemple : le rouge est symbole d’urgence, c’est pourquoi les logos des journaux et les offres promotionnelles le sont. Les ONG peuvent l’être (comme la Croix Rouge) se elles ne sont pas bleues (Médecins du Monde, Handicap International, etc.) pour souligner l’urgence de leurs actions.)

Le noir est une couleur froide et angoissante : l’achluophobie.
Le noir, en occident, symbolise la mort : il est symbole de fin.
Le noir symbolise la force, la concentration, l’élégance et la sobriété : il est symbole de puissance.
Le noir symbolise ce qui est caché comme la pornographie, la censure : il est symbole d’inconnus.

C’est pourquoi toutes les marques de luxes sont noires. Elles sont porteuses de ces valeurs.

Ce changement de couleur indique donc un changement de positionnement flagrant : on part d’un réseau social léger et accessible à un réseau social sérieux et obscure.

La couleur + le dessin

Il n’y a pas grand-chose à dire : avant, on avait un oiseau dans un ciel bleu, désormais, on a un X sur fond noir.

Avant : l’association de l’oiseau et du bleu symbolise la liberté.

Après : l’association du X et noir symbolise la pornographie.

J’ai beau essayer y mettre de la bonne volonté, l’association des deux ne fait référence qu’à ça. Le noir devient pornographique en association avec du rouge et de l’orange (RedTube, Xvidéo, Porn Hub, Grindr, Tinder, etc.), et devient érotique avec du rose (YouPorn, les Black Pink, etc.). Donc, à la base, le noir et le blanc ne symbolisent par forcément la pornographie… mais ici, avec le X… c’est compliqué d’y voir autre chose.

Et vous l’avez remarqué aussi ? La capture d’écran issue de la vidéo officielle de présentation ? Le blanc qui vibre en cyan et rouge ? Oui, c’est le logo TikTok.

Un rebranding cahin-caha

Il n’y a rien qui va dans le changement de marque, et pour plusieurs raisons.

Car dans les faits : pour les utilisateurs, seul le logo a changé.

L’oiseau disparaît, remplacé par le X. Mais le site reste twitter.com.

Dans un second temps, l’adresse x.com a été réglée en redirection vers twitter.com. Donc non, x.com n’est pas twitter.

Ensuite, si la page principale a changé, les autres pages du groupe ont toujours, à ce jour (3 semaines plus tard) l’oiseau bleu, comme on peut le voir ici :

 

Pourquoi ce changement partiel et de façade ?
Car changer intégralement le nom de domaine d’un site, implique de refaire TOUS les liens internes de celui-ci, de vérifier toute son arborescence, de perdre tous les liens externes (ou alors de garder les deux noms de domaines, et faire une redirection pour chaque page afin que les vieux liens soient redirigés vers une nouvelle adresse).

C’est donc un enfer.

Autre imprévu : jusqu’alors Androïd et iPhone interdisaient les noms d’applications n’ayant qu’une seule lettre.

Autre chose : le compte @x sur Twitter était déjà pris. Dans les premiers jours, X n’avait pas de compte X sur X. Un comble.

Ce genre de choses ne devrait pas être possible si l’étude du changement de nom avait été réalisée.

À défaut, il essaie d’imposer le X symboliquement, car dans les faits c’est toujours twitter.com (à part le logo et la suppression des antonomases deux semaines plus tard). Le CEO mégalo, a placé un X énorme et lumineux sur le toit de son immeuble.

Problème : la ville de San Fransisco a porté plainte car il n’y avait pas eu de permis de construire, n’avait pas accès à l’installation et le logo était très très très lumineux et clignotait follement. Il aura donc fallu 3 jours pour que le X soit démonté. À ce jour, le siège de Twitter est donc anonyme, sans le X ni Twitter.

@mbdailyshow Nothing like a little natural light in your apartment #x #elonmusk #sanfrancisco #businessnews ♬ original sound – mbdailyshow

Conclusion

Rien ne va dans cette histoire.

Les valeurs de la marque deviennent le secret et l’inconnu : typique d’un site conspirationniste.
Le re-branding n’est en réalité pas effectif car tout reste Twitter dans les back-offices et une partie du front-office.

C’est plus un déguisement qu’un rebranding réalisé par une équipe créative et stratégique, avec un directeur artistique et une agence.

Je laisse le mot de la fin au Stagiaire des Affiches qui résume tout parfaitement :

 

Jean-Côme

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