Art/Graphic Director, touche-à-tout passionné par la communication et de la création graphique sous toutes ses formes, je m'installe à Paris en 2009. Je travaille dans les univers de la beauté (cosmétique, parfumerie, bijouterie), mais pas que… Art/Graphic Director, je réalise pour des particuliers et des entreprises des identités visuelles, des éléments de communication, des photoshoot et du conseil avec leur déploiement à 360°. Parallèlement à ça, j'occupe mon temps entre la peinture, l'écriture et surtout la photographie.

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Couverture le Jésus de Séville

Scandale !

La nouvelle affiche de la célèbre Semaine Sainte de Séville, édition 2024, provoque un esclandre ! Mais de quoi s’agit-il ?

 

La Semaine Sainte de Séville

Comme tous les ans, la ville très chrétienne de Séville célèbre la Semaine Sainte en grande pompe. Il s’agit de la semaine précédant Pâques et la dernière du Carême. Elle est destinée à commémorer la Passion du Christ. Rappelons que Pâques est la fête la plus importante pour les catholiques, devant Noël. Pâques donne donc lieu à de grandes processions et célébrations.

La ville de Séville, tous les ans, annonce ces festivités par une affiche, en faisant appel à des artistes locaux. Ces affiches font le bonheur des collectionneurs et ont une certaine notoriété. Tous les ans, elle est attendue avec impatience.

Mais cette année, la nouvelle affiche, réalisée par le peintre sévillan Salustiano Garcia, fait scandale :

 

Le Jésus du scandale

La peinture classique essuie de vives critiques depuis sa sortie, par les catholiques intégristes, traditionalistes et l’extrême droite. Il lui est reproché d’être “offensant”.

Épilé au laser”, “une véritable honte et une aberration” et j’en passe.

Son retrait a évidemment été réclamé.

Et bien sûr, une pétition pour son retrait a vu le jour sur le site Change.org.

En résumé : il est jugé trop dénudé et sexuel.

Vraiment ?

Dans la plus pure tradition

Pourtant, il suffit de faire un tour au musée et dans les églises pour réaliser que l’Histoire de l’Art est remplie de Jésus dénudés, au corps musculeux, arborant le même linceul comme unique vêtement. Sa représentation est complètement canon, jusque aux cheveux longs et bouclés et à la barbe taillée en fourchette française (oui, j’ai cherché !).

Je trouve même qu’il ressemble énormément au Christ de Leonard de Vinci : les yeux en amande, regard plongeant dans celui de spectateur, les cheveux et la barbe, le petit nez, les lèvres pleines, un fond uni… après, j’avoue, que c’est subjectif.

 

Alors, qu’est-ce qui pose problème ?

Jugé efféminé

On y est, le vrai sujet est là : ce Jésus ferait “gay”, jugé trop “efféminé”.

Il semble évident que toutes les personnes qui disent cela n’ont aucune connaissance en histoire de l’art, nous l’avons vu. Ce Jésus ne diffère en rien des représentations traditionnelles. Il est même d’une banalité sans nom. La seule modernité dans le tableau, et le fond rouge. Et c’est vrai que c’est assez révélateur lorsque l’on change le fond, comme soudain, sa “sensualité homo érotique” s’estompe rapidement. J’ai utilisé pour le fond l’œuvre le Paysage avec la fuite en Égypte de Pieter Brueghel l’Ancien (1563).

 

Alors si cette représentation est classique, d’où viennent ces remarques ? D’une homophobie crasse et inculte.

J’ai vu le peintre, Salustiano Garcia, être accusé d’avoir peint son jeune amant, notamment avec cette photo à l’appui. Un scandale donc !

 

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C’est oublier bien vite que Leonard de Vinci utilisait son (trop) jeune amant Salai comme modèle, notamment pour son célébrissime saint Jean, et que personne ne s’en émeut.

Sauf que, dans le cas présent… il s’agit de son fils. Pas du tout de son amant.

 

Un coup dur pour les cons. Ce n’est ni son amant, ni son fantasme, ni une représentation sexualisée. C’est juste son fils.

La force du contexte

Le problème vient donc de lui. Une œuvre, quel qu’elle soit, ne vit pas seul. Elle évolue dans un contexte et une époque. Ici, c’est un exemple parfait. Une peinture classique sous tout rapport, qui devient mal interprétée, du fait de son utilisation et de son environnement.

Dans un monde où la lutte contre l’homophobie est ultra-présente et la communauté LGBTQIA+ de plus en plus visible et normalisé, de vieilles institutions se sentent menacées et attaquées. Elles se mettent donc à voir partout des symboles de propagande LGBTQIA+ partout. C’est la même chose pour l’arc-en-ciel dont je vous parlais de la symbolique il y a quelque temps. Et quand on se sent attaqué, on contre-attaque (bien loin de tendre l’autre joue comme le ferait un bon chrétien… mais de là à dire que les catholiques intégristes n’ont rien compris au message du Christ, il n’y a qu’un pas… que je franchis allègrement et sans sourciller, car c’est évident : ils n’ont rien compris).

Si Léonard de Vinci et Michel-Ange vivaient à notre époque, nul doute que leurs œuvres seraient fortement critiquées pour les mêmes raisons. Mais comme leurs œuvres sont anciennes et patrimoniales, le contexte dans lequel ils s’inscrivent est différent.

Le contexte créé donc du sens.

Les gens évoluant dans ce contexte vont générer à leur tour un sens, parfois opposé au message initial.

C’est toute la délicatesse et la complexité de la communication : prévoir les interprétations et choisir consciencieusement de parler au plus grand nombre dont l’accueil et l’interprétation sera bonne.

Circulez, il n’y a rien à voir

Cette polémique, qui n’a, nous l’avons montré, pas lieu d’être, est révélatrice de notre époque. On impose aux œuvres des intentions qu’elles n’ont pas, on demande le bannissement d’une œuvre à cause de son ignorance et de sa bêtise. Notre société est plus clivée que jamais sur les questions de genres et de sexualités, alors que c’est littéralement l’intégralité de ce qui remplit nos musées, nos églises et notre culture.

Une énième preuve que la connerie et l’homophobie sont dangereuses. Ce tableau, qu’on en aime l’esthétique ou pas, n’a rien de vulgaire, d’efféminé, de sexuel ni d’homo-érotique.

Et rappelons une bonne fois pour toutes, que Jésus n’est pas blanc. Et moi, c’est ÇA qui me pose un problème. Qu’en 2024, on continue cette représentation du Christ. Car je vous rappelle, qu’historiquement, Jésus de Nazareth ressemblait plus à Jamel Debouze qu’à Harrison Ford (et c’est un anthropologue médico-légal qui le disait dans un documentaire France 2 il y a quelques années).

Jean-Côme

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