Lors que j’étais au collège, j’avais commencé à écrire une fanfiction sur l’univers d’Harry Potter. Le tome 4 n’était pas encore sortie, et Beauxbâtons n’existait pas encore. J’avais donc inventé l’école “ultime” de magie française : Ultimécia.
Cette nouvelle est la rencontre entre les directrices, mesdames McGonagall et Manoir. Vous ne connaissez que Beauxbâtons ? Pourtant, Ultimécia est l’école de sorcellerie la plus ancienne de France…
Voici leur rencontre :
“
L’or du palais étincelait sous le soleil d’été qui l’écrasait de sa chaleur. Les murs de briques rouges et les toits d’ardoises semblaient cuire. Aucun vent ne parcourait les vastes jardins à la française pour rafraîchir l’air, transportant avec lui l’odeur de la mer et des pins-parasols. Seuls les grillons chantaient à tue-tête, heureux de cette saison sèche du sud de la France. Le Grand Bassin miroitait au soleil, aucune brise ne venant troubler sa surface. Seul point de fraîcheur, de l’autre côté du palais, la fontaine Nicolas Flamel et son eau dorée jaillissant en doux clapotis de la statue en or qui trônait en son centre, en l’honneur du célèbre alchimiste. À cette heure, la cour de marbre rose et vert qui l’accueille est encore à l’ombre. C’est ici que se disent au revoir les différents participants à la conférence qui vient de se terminer à l’académie de Beauxbâtons sur le thème de « Écoles de sorcellerie et de magie : mieux préparer les générations futures ». Chaque directeur, professeur d’envergure ou chercheur renommé se dirige petit à petit vers les Portoloins qui les ramèneront dans leurs villes ou leurs pays respectifs. La cour résonne de discussions enflammées et on fait le bilan de cette année éprouvante pour le monde de la magie. L’école est vide à cette période de l’année. Ce sont les grandes vacances d’été. Certains en profitent pour s’attarder et profiter des merveilles du palais, réputé pour être la plus belle école de sorcellerie du monde. Construite dans un style classique (voir Harry Potter et la Coupe de Feu), elle est beaucoup plus grande que Versailles et ses merveilles les surpassent en toutes choses. Des peintres, architectes et jardiniers de renom ont œuvré ici, tous plus ou moins consciemment, lors de sa reconstruction au XVIIe siècle.
— Madame, s’il vous plaît, madame McGonagall ! Bonjour !
— Bonjour.
— Désolé de vous interpeller de la sorte alors que vous vous apprêtiez à prendre votre Portoloin, mais je n’ai pas eu l’occasion de vous parler. La directrice de Poudlard est très demandée !
— Je vous en prie. Madame… ?
— Pardon, je manque à tous mes devoirs ! Madame Manoir. Aurore Manoir, directrice d’Ultimécia.
— Mais bien sûr, la seconde école de sorcellerie française !
— Seconde ? Ah, ma chère, heureusement que je vous ai rattrapée avant votre départ. J’ai beaucoup à vous dire.
— C’est que je suis attendue. J’ai fort à faire avant la rentrée.
— Je vous en prie. Vous n’êtes pas si pressée que ça, si ? Allons déjeuner, ils ont installé un buffet dans la Galerie aux Illusions pour ceux désirant se restaurer avant de partir.
La directrice McGonagall sembla hésiter un instant et regarda l’heure sur une surprenante montre à gousset en pinçant les lèvres.
— Je suppose que j’ai le temps. Après tout, je n’ai pas si souvent l’occasion de profiter d’un repas français.
— À la bonne heure ! Vous m’en voyez ravie !
— De quoi voulez-vous me parler ? Est-ce en rapport avec la conférence ?
— Nous parlerons une fois à table, je vous en prie. Profitons de la promenade jusqu’à la Galerie pour faire connaissance, qu’en pensez-vous ?
— C’est très français.
— Désolée, j’en suis confuse, répondit Mme Manoir qui n’avait pas l’air de l’être du tout.
De fait, le chemin depuis la cour d’honneur Flamel jusqu’à la Galerie des Illusions était un véritable ravissement pour les sens. La direction de Beauxbâtons avait mis les bouchées doubles pour être à la hauteur de sa réputation, comme à chaque fois qu’elle recevait. Musique classique s’élevant des bosquets, chœur de nymphes au détour d’un couloir, volières d’oiseaux exotiques et inconnus des biologistes aux couleurs vives dans un boudoir, cabinets de curiosités en libre accès, peintures et sculptures de la Renaissance se mouvant avec grâce. Mais la Galerie des Illusions était d’un tout autre acabit. Calquée sur la Galerie des Glaces de Versailles, celle-ci était trois fois plus grande, et au lieu des miroirs, c’étaient des panneaux d’illusions qui en paraient les murs. Il s’agissait de tableaux vivants, mais plus encore, de mondes entiers à portée de main. Les regarder, c’était y pénétrer, y vivre une danse, une liaison, une aventure, une quête ou une épopée. Si chaque panneau avait ses thèmes, personne n’y voyait la même illusion. Certaines personnes se sont abîmées en contemplation des heures, voire des jours entiers selon la rumeur, comme si elles avaient quitté leur corps pour pénétrer l’illusion. Bien sûr, il n’y avait aucun danger, et la Galerie n’était que pure trivialité. Le plafond de stuc doré à la feuille d’or, orné de panneaux peints d’illusions de ciel, où l’on voyait se prélasser anges et divinités antiques, jetant des coups d’œil amusés en bas, sur ces fourmis d’humains. D’incroyables lustres y étaient suspendus, leurs lourdes chaînes d’or se perdant dans l’infini de ces ciels paradisiaques.
McGonagall et Manoir y étaient bien sûr déjà venues à diverses occasions durant leur carrière, mais la magnificence des lieux faisait toujours son effet. De longues tables y étaient installées, mais aucun buffet, finalement. Un menu était posé sur des assiettes de porcelaine, et il suffisait de nommer le plat qui vous faisait envie pour qu’il vous soit apporté par un domestique engagé spécialement pour l’occasion.
— C’est ici que les étudiants prennent leurs repas ? interrogea McGonagall, qui ne voyait pas d’un bon œil cette débauche de luxe et d’illusions plus ou moins sulfureuses pour l’éducation d’enfants.
— Non, les repas pour les étudiants sont servis dans les communs, rassurez-vous. La Galerie des Illusions n’est ouverte que rarement, et seulement pour les grandes occasions. On y perdrait trop d’élèves en contemplation !
— Je me disais aussi.
— L’Académie de Beauxbâtons est restée très classique sur bien des aspects, continua Manoir. Le directeur dort ici, au premier étage, tandis que les professeurs dorment au second. Les élèves, quant à eux, sont logés sous les toits, comme les courtisans en leur temps.
— Je vois, répondit McGonagall en étudiant le menu. Vous semblez montrer quelques… comment dirais-je… retenues vis-à-vis de cette académie.
Manoir soupira.
— Ce ne sont pas à proprement parler des griefs, mais je suis lasse de la réputation de cette… pompeuse et orgueilleuse académie.
Manoir avait fini sa phrase dans un souffle, sur le ton de la confidence. McGonagall commençait à regretter d’avoir accepté l’invitation.
— Je ne comprends pas où vous…
— Tout à l’heure, interrompit Manoir, vous parliez d’Ultimécia comme de la “seconde” école de sorcellerie française. C’est cet état de fait que je trouve injuste et que j’espère réparer. Pour commencer, saviez-vous qu’historiquement, Ultimécia est un établissement bien plus vieux que Beauxbâtons ?
— Non, je vous avoue que je l’ignorais…
— Savez-vous pourquoi il y a une fontaine à l’effigie de Nicolas Flamel dans la cour d’honneur ?
— Bien sûr, rétorqua McGonagall, qui n’aimait pas beaucoup cet interrogatoire. C’est un ancien élève de l’académie. Lui et sa femme se sont rencontrés ici, et grâce à la Pierre Philosophale, ils en ont financé une grande partie (source : Wikipédia).
— Effectivement, c’est la version officielle. Mais vous êtes-vous déjà posé la question de comment Nicolas et sa femme peuvent être d’anciens élèves d’une école dont ils ont financé la construction ?
McGonagall leva les yeux du menu et les planta dans ceux de Manoir. Elle n’avait jamais relevé cette étrangeté. Elle en était presque vexée.
— Peut-être ont-ils financé des agrandissements ou une réfection, qu’en sais-je.
— Non, non, pas du tout. C’est une mystification. Un coup de com’ et un coup de génie de la part des Nobles Sorciers du XVIIe siècle ! Les Flamel, déjà âgés de 294 ans, ont effectivement grandement financé la construction du palais, dans un style typique de l’époque. Mais ce sont sur les bancs d’Ultimécia qu’ils se sont rencontrés, alors l’unique école de sorcellerie française !
McGonagall était surprise. Elle n’avait jamais entendu cela. S’il existait un livre sur l’histoire de Poudlard, il devait en exister un sur Beauxbâtons. Il faudrait qu’elle le trouve et se renseigne sur cette histoire.
— Laissez-moi, si vous le permettez, vous raconter l’histoire de la fondation d’Ultimécia et de la création de Beauxbâtons. Cela égayera notre repas ! Je prendrai un soufflé à la mousse de foie gras en entrée, puis j’hésite avec la raclette… avec cette chaleur, ce ne serait peut-être pas supportable… mais c’est tellement bon ! Allez, soyons sérieuse, je prendrai les cuisses de chevreuil avec la purée de poires et châtaignes.
— Et moi, je prendrai des escargots en entrée, et du faisan faisandé aux morilles.
— Excellent choix. Rares sont ceux qui aiment les escargots, à part les Français. Alors que c’est délicieux ! Ah, voilà nos entrées ! Rapide. Merci bien.
Les deux majordomes s’éloignaient de la table tandis que l’air s’emplissait de délicieuses odeurs.
— Vous avez piqué ma curiosité, annonça McGonagall. Je vous écoute. Je vérifierai évidemment chacun de vos dires ultérieurement.
— Bien entendu. Et, une fois de plus, mon intention n’est pas de malmener la réputation de Beauxbâtons, mais de faire reluire celle d’Ultimécia. Et il va sans dire que les deux peuvent cohabiter au sommet des instituts de sorcellerie, européens et mondiaux.
— Rien que ça.
— Rien que ça. Poudlard, Beauxbâtons et Mahoutokoro partagent ces réputations d’excellence, et leurs renommées sont mondiales. Surtout grâce aux Tournois des Trois Sorciers. Mais nous y reviendrons. Ilvermorny, Uagadou et Castelobruxo aussi sont des écoles incroyables, évidemment. Mais il est injuste qu’on ne mentionne jamais Ultimécia parmis ces grandes écoles d’exceptions.
Revenons-en au commencement. À cette époque, le Fort qui deviendra l’école d’Ultimécia se trouve en Touraine. Cela tombe sous le sens, évidemment. Cette région a de tout temps été le creuset des plus beaux châteaux, des plus beaux esprits et des plus grands courants artistiques et philosophiques d’Europe. De plus, le climat est doux, à mi-chemin entre les magiques terres bretonnes et les sauvages terres d’Auvergne. “Le jardin de la France”, comme on l’appelle, à deux pas de Paris. Mais je m’égare.
Le Fort de Charlillon date du XIe siècle. Construit sur un petit plateau (on manque de relief dans la région), le Fort s’élève à flanc de falaise, au-dessus d’un fleuve ou d’une rivière… Je ne peux pas être vraiment précise, vous savez mieux que personne que l’emplacement des écoles de sorcellerie est secret. Ici même, on sait seulement qu’on est vers Cannes ! Quoi qu’il en soit, le Fort appartient à la famille des Montaguie de Turon. Une famille de petite noblesse à qui appartiennent les terres alentours et dont ils sont en charge de la protection. Une famille de sorciers, vous l’aurez sans doute deviné.Ce soufflé est divin ! Voulez-vous le goûter ?
— Non merci. Poursuivez.
— Bien, pardon. Le Fort est un bâtiment roman, typique de l’époque. Avec ses douves alimentées par un petit lac, c’est une place-forte imprenable. Le peuple du village voisin peut s’y réfugier sans crainte, d’autant plus que les jardins vont très vite être entourés de murs et d’une porte fortifiée. Le tout consolidé par la magie, cela va sans dire. Et ce fut utile ! Le temps passant, après les barbares et les pillards qui menaçaient, c’était l’Église de Rome qui était sur nos talons. Les Montaguie de Turon étant les seuls Nobles Sorciers de la région, les familles sorcières de moindre extraction des environs commencèrent à envoyer leurs pupilles au Fort pour être mis à l’abri. Des gens désœuvrés, souvent du bas peuple et sans éducation, arrivaient en grand nombre. Certains d’entre eux n’étaient même pas des sorciers, mais juste victimes de racontars malveillants. Des jaloux dénonçaient leurs voisins faussement pour récupérer leurs terres. Une bien triste époque pour notre communauté. L’Europe a sombré dans les ténèbres, et le Fort devint une école par la force des choses.
— Oui, c’est également vers cette époque que Poudlard a vu le jour. L’école fut fondée en 991.
— Ah, je l’ignorais ! Vous voyez, cela nous fait un point commun !
— Si vous le dites, déclara McGonagall sans relever que presque un siècle séparait la construction de Poudlard et d’Ultimécia.
— Tous les enfants étaient recueillis, évidemment, poursuivit Manoir comme si elle n’avait rien entendu. Qu’ils aient des pouvoirs ou non. De toute façon, même ceux qui montraient des dispositions magiques n’avaient souvent aucune éducation aux arts occultes. Ils ne savaient que soigner les bêtes et les hommes, allumer des feux de cheminée et d’autres magies rurales rudimentaires. Guère plus. La famille des de Turon décida d’éduquer ces enfants. Avant tout pour leur apprendre à se défendre et à se cacher. Quant à ceux sans pouvoir, on leur apprenait le druidisme, une forme de sagesse ancestrale qui ne nécessite aucun pouvoir particulier pour sa base. Rien de trop élaboré, bien sûr. On ne leur apprenait pas à communiquer avec les plantes et les animaux, à invoquer des esprits de la nature et des sorts à proprement parler. Mais ils faisaient de bons médecins et connaissaient les plantes, les onguents et autres. Quoi qu’il en soit, autant d’enfants arrivant de partout, cela finit par attirer l’attention. Surtout que dès la fin du XIIIe siècle, ils étaient plus d’une centaine. On parlait dans tout le pays du Fort où on apprenait l’ “Ultime Science”. L’Ultima Scienca en latin, qui devint au fil du temps Ultimécia. La situation devenait intenable. Les terres du château étaient sans cesse attaquées, les rumeurs les plus folles se répandaient à la Cour, et la protection des enfants devenait difficile à garantir.
C’est au XVe siècle qu’il fut décidé, par la famille des Lignac Saint-Alban (héritière des Montaguie de Turon), de masquer magiquement l’existence du Fort Charlillon. Il fut effacé des registres, des armoiries officielles et des mémoires. Les enfants non-magiques ne furent plus accueillit. Nombre de nos anciens élèves étaient devenue des médecins et des médeciennes réputés, ayant ouvert leurs propres hôpitaux et école de médecine. Il n’était donc plus nécessaire d’accueillir tout le monde, et cela garantissait le secret dont nous avions si besoin. Le Fort prendrait dès lors le nom de code d’Ultimécia, et on entama la construction d’un nouveau Château en face de celui-ci. Un Château de style gothique flamboyant vit le jour. Le Fort fut transformé en immenses dortoirs pour accueillir les futurs élèves, qui ne cessaient d’affluer de toute la France, tandis que les cours auraient lieu dans le Château. Sa construction marqua l’essor de l’école, qui fut la première d’Europe.
— Poudlard existait déjà et était déjà établie comme une école bien avant.
— Oui, en effet, pardon. Vous avez parfaitement raison. Je voulais dire, d’Europe continentale. L’Angleterre était une île difficile d’accès et souvent en guerre avec le continent. Nous étions la première accessible, si vous préférez. Des enfants d’Espagne, de Prusse et d’Italie commencèrent à arriver. C’est d’ailleurs face à cette “fuite” de sorciers que les autres pays européens ont décidé d’imiter l’Angleterre et la France et de créer leurs écoles de sorcellerie. Des petites écoles nationales qui existent toujours de nos jours d’ailleurs.
— Qui eût cru qu’il y eut autant de sorciers en Europe.
— Oui, c’est vrai ! À l’époque, on se pensait tellement isolés ! Alors que nous étions déjà fort nombreux ! répondit Manoir exaltée. Le Château est magnifique. Vous voyez Chambord ? Le château est dans ce style, avec ses centaines de cheminées et ses arches de pierre défiant la gravité. Une pure merveille ! Il est en forme de T, fermé par deux cours magnifiques, comme des cloîtres, tout en dentelle de pierre. L’ensemble forme un carré parfait. Enfin “était”, une des cours a été détruite. C’est Léonard de Vinci lui-même qui en a fait les plans. Et contrairement à Chambord, grâce à la magie, il a été construit plus vite et il l’a vu fini de son vivant ! C’était une personne admirable. Un véritable ami de notre cause, alors que lui-même n’était pas sorcier. Si vous saviez ce que la magie lui a permis de faire ! Son génie en ingénierie et architecture n’a jamais été aussi incroyable. On raconte qu’il avait des siècles d’avance sur son temps. Et c’était vrai : la majorité de ses inventions étaient irréalisables à l’époque… sauf avec l’aide de la magie. Et ses escaliers à vis, ses arcades, ses plafonds, ses arches suspendues, ses tours et ses ponts… son château a beau être de tuffeau, on le jurerait organique, on se demande comment il peut tenir debout tellement il est aérien, et pourtant il est solidement planté dans le sol avec ses murs épais et massifs à la base. C’est vraiment une incroyable construction… pardon, je digresse ! Où en étais-je ?
— Ultimécia venait de naître officiellement, indiqua McGonagall en levant les yeux au ciel.
— Ah oui, voilà ! S’ensuivit une période plutôt calme pour l’école, même si la Renaissance laissa place à d’autres courants. Les temps se firent plus sûrs pour les sorcières et sorciers. Mais la révolte grondait, et de nouveaux Nobles Sorciers voyaient d’un mauvais œil cette école de sorcellerie qui était devenue farouchement indépendante et qui acceptait tous les sorciers sans distinction de classe ou de genre. Certains Nobles trempaient dans des affaires louches ! Les intrigues de cour, la bête du Gévaudan, les messes noires, l’affaire des poisons : autant d’histoires impliquant les sorciers de la cour qui s’étaient hissés dans les plus hautes sphères de la société. Et elles cherchaient l’appuie des autres sorciers pour asseoir leur pouvoir et renverser le trône de France ! C’est à ce dessein que quelques familles essayèrent de pousser Ultimécia à la révolte. Ce fut un échec, évidemment. Et voyant qu’Ultimécia ne voulait rallier aucune cause, ils cherchèrent à éliminer cette école trop influente et indépendante. Une campagne de diffamation commença donc. Les leçons prodiguées furent qualifiées de vieillottes et de magie de campagne. On critiqua ses enseignements et la qualité de ses professeurs. Sans oublier de vives critiques sur le fait que tous y étaient admis, mélangeant roturiers et nobles. Le nombre d’étudiants commença à baisser. Mais pas assez vite semble-t-il, puisque les nobles qui essaient de prendre le trône, s’associèrent à la haute bourgeoisie sorcière pour financer leur propre école. Loin du pouvoir royal, dévouée à leurs causes d’autonomie, à leur idéologie de pouvoir politique et de création d’une société parallèle avec un système de castes. Un école réservée à l'”élite“.
— Beauxbâtons.
— Exact. Ils rallièrent à leur cause Nicolas Flamel, déjà âgé de 294 ans, comme je l’ai déjà dit, dont les placements financiers et immobiliers, associés à sa pierre philosophale, avaient fait de lui l’homme le plus riche de tous les temps. Débuta alors la construction d’un palais dans un style classique, quelques années après le début des travaux de Versailles. Le but était de faire plus grand, plus beau. Et soyons honnêtes, ils ont réussi. Dès que Versailles commençait un agrandissement, ils faisaient pareil. En mieux, magie aidant. C’est ainsi qu’est née la Galerie des Illusions, en réponse à la Galerie des Glaces : il fallait montrer la suprématie des sorciers face aux simples gacèmes (à l’origine GACM : les initiales d’une ancienne formulation latine genus anteconiunctio magicus, « espèce d’avant la fusion magique ». Il s’agit des humains dénués de pouvoirs magiques). Aux Moldus, comme vous dites.
Avec l’ouverture de cette académie de prestige, Ultimécia vit son nombre d’élèves chuter drastiquement. Pour riposter, l’école décida alors de s’agrandir une fois de plus. Dans le parc, en plus du Fort et du Château, nous entamâmes la construction d’un Palais dans le même style. Ce bâtiment est évidemment beaucoup moins grand que l’académie de Beauxbâtons, nous n’avions pas leurs ressources. Néanmoins, il est magnifique ! Une pure merveille d’architecture ! J’ai un faible pour le Château, mais c’est vrai que le Palais est somptueux. Tout en briques rouges, marbres divers et dorures. Mais on commençait à manquer de place. On a hésité à raser une partie de la forêt, mais finalement, il fut construit en L non loin des deux précédentes constructions, plongeant sur la falaise. C’est là que l’idée des architectes du XVIIᵉ siècle a été géniale : le palais est en fait en U, mais sa dernière aile se trouve dans la montagne, dans le plus pur style troglodytique de la région ! C’est une véritable dentelle de pierre : des fenêtres, des balcons, des galeries entières parsèment le flan de la falaise. Le tout imitant le style classique avec ses corniches et toutes ses richesses de fioritures ! Un véritable tour de force ! L’effet est impressionnant ! Et l’avantage, c’est qu’il nous est toujours possible de creuser davantage à l’intérieur de la roche pour agrandir cette partie de l’école !
— Ça doit être très sombre s’il y a plus qu’une pièce en façade, non ? interrogea McGonagall, plus pour calmer Manoir que par réel intérêt architectural.
— Absolument pas ! Les couloirs et les salles de cours qui ne donnent pas sur l’extérieur sont toutes éclairées par magie d’une lumière naturelle émanant de la pierre elle-même !
— Impressionnant, en effet. L’idée est originale, il fallait y penser.
— N’est-ce pas ? Mais je vous avoue qu’au fil du temps, c’est devenu un véritable gruyère, et il est assez dangereux de s’y aventurer…
— Nous avons ce problème à Poudlard avec nos cachots. Mais revenons-en à vos propos. Vous dites que Beauxbâteaux est une école… de révolte, de castes, d’injustice sociale et j’en passe ?
— Elle le fut ! Raciste, sexiste… mais les Lumières sont passées par là, je vous rassure ! Beauxbâtons est une école tout ce qu’il y a de plus respectable depuis ! Elle se revendique des Lumières et enseigne ses idéaux, n’en doutez pas.
— Me voilà rassuré, commenta McGonagall qui commençait à douter de la santé mentale de son interlocutrice. Mais je ne vois pas où tout cela nous mène. Ultimécia a donc été battue par la concurrence. C’est cela que vous vouliez me conter ?
— Oui, en effet. Mais l’histoire n’est pas finie. Ultimécia était dépassée, ringarde si j’ose dire. Au fil des années, elle a faillit disparaître… Finalement, nous avons donc changé de stratégie et proposé des filières inédites en accentuant nos différences au lieu de nous aligner sur l’académie. Nous avons ressorti des placards les cours de magie élémentaire et des filières comme le druidisme, qui avaient disparu depuis des siècles. Pour ce faire, au XIXᵉ siècle, on a fait de la place dans les magnifiques jardins à la française du palais pour y construire une serre. Un chef-d’œuvre de verre et de fer.
— Réalisée par Eiffel, je suppose ?
— Haha ! Je suppose que le directeur de l’époque a essayé ! Mais non, même si le style y ressemble en effet. La serre est d’ailleurs pourvue d’automates en tout genre, très en vogue à l’époque, mais dont Eiffel n’avait pas la science. La magie aide à les faire fonctionner. Et c’est d’ailleurs cette première approche de fusion entre la technique et la magie qui allait redonner ses lettres de noblesse à Ultimécia. Au XXᵉ siècle, la direction décida qu’il ne fallait pas seulement garder vivaces les anciennes magies face à la modernité du monde. Une université fut créée, un grand bâtiment moderne en verre fut construit dans ce qu’il restait des jardins à la française. Un drame selon moi. Il nous en reste, bien évidemment, mais guère plus grand qu’à Villandry…
— Si vous le dites, répondit McGonagall, qui, bien qu’ayant souvent été en France, avait une connaissance limitée des châteaux du Val de Loire auxquels son interlocutrice ne cessait de faire allusion.
— Quoi qu’il en soit, nous avons été les premiers à ouvrir une université pour permettre des études supérieures et les sections de recherche qui vont avec, là où Beauxbâtons commence à peine à ouvrir ses premières classes. Nous y avons des recherches et des cours en technomagie notamment, en mathémagie et en cosmomagie. Des secteurs de recherche passionnants ! La magie permet de faire le lien entre les théories quantiques, la théorie des cordes et les mathématiques classiques. Les applications sont incroyables ! D’après les recherches de certaines filières, des étudiants ont avancé qu’il serait possible de coloniser Mars dès 2020 !
— Ce sont des chemins dangereux que vous explorez là. La magie et la science des Moldus n’ont jamais fait bon ménage, et je ne pense pas qu’il faille essayer de créer des ponts entre notre civilisation et la leur. La magie nous permet de bien vivre, bien mieux et plus facilement que la “technologie”, et ce, depuis des siècles.
— Certes, mais avec les recherches en domotique, les différences entre magie et technologie s’affinent d’année en année. Ils pourront bientôt commander la lumière, les fenêtres et je ne sais quoi encore, rien qu’avec la voix, comme nous avec nos sortilèges. Ils ont déjà des logiciels qui leur permettent de reconnaître n’importe quelle musique, simplement en la faisant écouter à une machine. Aucun sortilège ne le permet à ce jour.
— Je reste sceptique. Mais je dois avouer que j’ai lu quelques articles sur votre “université” et ses avancées magiques. Notamment sur la section de création de nouveaux sortilèges. Ceci est beaucoup plus pertinent, si vous voulez mon avis.
— Le problème, c’est que si, depuis un siècle, Ultimécia voit sa cote de popularité remonter et attire de nouveaux professeurs illustres ainsi que des élèves de tout bord, nous manquons encore cruellement de visibilité.
— Je comprends bien votre problème. Mais en quoi cela me concerne-t-il ?
— Il s’avère que la renommée de Beauxbâtons vient en grande partie de sa participation au Tournoi des Trois Sorciers. Or, seulement trois écoles y participent. Lorsque j’ai pris mes fonctions il y a deux ans, j’ai communiqué avec Albus Dumbledore et entretenu une relation épistolaire très riche…
À ce nom, McGonagall se raidit malgré elle sur sa chaise. Son regard se fit plus intense et plus dur. Mme Manoir poursuivit :
— Il est même venu à l’école lui-même lors d’un déplacement officieux. Il était très secret ! Je crois que ça lui plaisait de faire les choses en cachette…
— Oui, il avait en effet cette fâcheuse manie.
— Quoi qu’il en soit, il nous a quittés à la fin de ma première année à mon poste, et rien n’a pu être fait. Mais il m’avait mise en contact avec le directeur d’Ilvermorny.
— L’école américaine.
— Oui, tout à fait. Elle aussi souffre d’un cruel manque de reconnaissance à l’international. L’idée de Dumbledore était de créer un Tournoi des Huit Sorciers, réunissant les trois écoles du tournoi actuel, mais aussi les établissements d’Ultimécia, d’Ilvermorny, ainsi que Miztisamā en Turquie, K’illpayurqu au Pérou et Rêhadj en Égypte. Les huit plus grandes écoles de magie du monde se réunissant une fois tous les cinq ans dans un tournoi légendaire ! Qu’en pensez-vous ?
— Pour commencer, que les écoles asiatiques ne seront pas contentes.
— Oui, mais elles sont difficiles à contacter et je n’ai pas réussi à les approcher, concéda Mme Manoir. Quant à Uagadou en Ouganda, leur magie est trop différente de la nôtre pour des épreuves communes…
— Et cela ferait deux écoles françaises. Ça vous permettrait de vous mesurer à Beauxbâtons, j’ai bien compris l’intérêt que vous y trouvez. Mais cela reste injuste pour les autres participants, qui n’auront qu’une seule école par pays.
— Si cela ne tenait qu’à moi, Beauxbâtons ne participerait pas, même si je serais heureuse de mesurer mon école à leur académie. Mais le fait qu’il existe deux écoles de sorcellerie rivalisant en prestige et en… qualité, si j’ose dire, dans un même pays, est très rare. C’est même une exception. Au vu de nos effectifs respectifs, il est tout à fait justifié que les deux écoles participent. Mais bien entendu, Dumbledore avait les mêmes réserves. Il avait suggéré la création d’une “équipe” commune, avec un tournois interne entre Beauxbâtons et nous, pour la composer des meilleurs éléments de chaque école.
— Qu’en pensent-ils ?
— Beauxbâtons ? Je ne leur ai pas encore proposé… je devais le faire avec Dumbledore, mais sans l’appui de Poudlard, l’entreprise est vouée à l’échec…
— C’est donc là que j’interviens. Vous souhaiteriez que j’appuie la création de ce nouveau tournoi ? Avez-vous la moindre idée de ce qui s’est passé lors du dernier Tournoi des Trois Sorciers ? demanda McGonagall, qui semblait se contenir du mieux qu’elle pouvait pour ne pas exploser de colère.
— Oui… Qui ne l’est pas ? Néanmoins…
— Néanmoins rien du tout. Ces tournois de sorcellerie sont une plaie et une aberration qu’il faut arrêter. Si vous persistez dans cette voie, sachez que Poudlard ne participera pas à votre projet. Vous pourrez toujours appeler cela le Tournoi des Sept Sorciers.
— Sans vous, personne ne se ralliera, et le projet est voué à l’échec, soupira Mme Manoir.
— Cela dit, notre rencontre n’aura pas été vaine, car elle m’a fait penser à quelque chose. Laissez-moi vous parler à mon tour d’un projet que je nourris depuis quelque temps. Il s’agirait de mettre en place un système d’échange entre les écoles, permettant aux élèves d’aller faire un semestre ou une année complète à l’étranger.
— Oh ! C’est une excellente idée ! C’est tellement simple que je n’y avais pas pensé !
— Nous devrions en discuter. Mais pas aujourd’hui, je dois absolument partir. Le repas était délicieux, mais je suis vraiment en retard maintenant.
— Je comprends. Et vous devez vérifier mon histoire.
— En effet. Car vous l’avez peut-être oublié, mais Beauxbâtons participe au Tournoi des Trois Sorciers depuis sa création en 1294. Les dates ne coïncident pas du tout avec vos dires.
— En effet, je ne l’ai pas abordé, tout simplement parce que je ne sais pas…
— Comment est-ce possible ?
— Comme je vous l’ai dit, l’histoire de France a été malmenée par les sorciers : modifications des registres, effacement des traces écrites, altération des mémoires… Les histoires de Beauxbâtons et d’Ultimécia n’existent que dans nos propres archives. On retrouve de temps en temps quelques correspondances manuscrites qui permettent de vérifier une date, mais les écoles de magie sont toutes plus ou moins spécialistes de la falsification, surtout les françaises. Question de sécurité…
— Donc, peut-être que tout est faux et que Beauxbâtons est bien plus ancien qu’Ultimécia.
— Les styles architecturaux plaident en ma faveur. Mais de toute façon, je me fiche du passé. C’est l’avenir qui m’intéresse. Venez visiter Ultimécia quand vous le souhaitez, après la rentrée, pour voir comment fonctionnent nos cours. Cela nous permettra de voir si nos systèmes scolaires sont compatibles pour des échanges. Cette idée est vraiment intéressante, même si je compte créer ce tournoi à huit malgré tout… peut-être sous forme de Jeux Olympiques, plus bon enfant…
— Je viendrai bien volontiers, concéda McGonagall. Il en va de même pour vous : vous serez attendue durant l’année pour visiter Poudlard.
— J’en suis ravie !
— Maintenant, veuillez m’excuser. Bonne journée, madame. Au plaisir.
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