Les origines des logos
Le logo est si familier, mais vous êtes-vous déjà posé la question de savoir ce que c’était ?
Il s’agit de la représentation visuelle d’une identité, d’un élément, d’une entité, d’un nom. De ce point de vue, ce n’est pas très éloigné des hiéroglyphes, des sceaux royaux ou des signes religieux. Un symbole qui résume à lui seul une activité, un métier, une idéologie. L’origine même du mot logo traduit cette idée. Il vient du grec et signifie “mot”. Mais chez les Grecs, ce mot de “mot” (vous suivez ?) signifiait le sens caché derrière un mot, comme un message crypté. Le “mot” sert donc à désigner un sens, bien plus qu’une chose. Ce concept “d’essence”, intrinsèque au mot, se retrouve dans nombre de cultures (égyptienne, maya, babylonienne, japonaise, hébraïque…). Les mots sont source de pouvoir et de magie. Nommer quelque chose c’est en fixer les contours et les pouvoirs, capturer son essence.
C’est ce sens que l’on retrouve dans les logos modernes. On admet que la démocratisation des logos modernes a commencé en 1440 avec l’invention de l’imprimerie par notre cher Gutenberg. L’impression en grande quantité dans des lettres normées, obligeait les auteurs et les imprimeurs à inventer une façon de se démarquer, avec des sigles, des logos donc.
Puis, nouvelle révolution en 1840 avec, cette fois, l’invention de la chromolithographie aux États-Unis. Les affiches sont imprimées en masse, et pour la première fois, en couleur. Des affiches et des supports publicitaires colorés envahissent le monde. Avec la révolution industrielle, les marques commencent à créer leur “branding”, leur image de marque. Les logos sont plus que jamais nécessaires.
Les logos créatifs, impactants et différenciants
Ce sont dans les années 1950 que l’on comprend véritablement l’importance d’un logo original et reconnaissable. En 1962, les graphistes londoniens créent le D&AD (Design & Art Direction) afin de valoriser le travail de design et de la publicité.
Les logos trouvent leurs lettres de noblesse et renoue avec les origines du mot : ils doivent véhiculer un message, une identité, des valeurs, et surtout, être reconnaissables au premier coup d’œil.
Puis, avec la naissance de l’informatique moderne, de Photoshop et Illustrator dans les années 2000, les logos explosent et pullulent. Les graphistes se rêvent artistes et inventent des logos sans cesse plus créatifs. C’est l’âge d’or du logo.
La reconnaissance
Pour qu’un logo soit efficace, il faut donc qu’il soit reconnaissable. Un bon logo se travaille d’abord en noir et blanc, puis en couleur. Il joue sur les formes et les couleurs, chacune ayant un sens spécifique. Le rouge n’indique pas la même chose que le bleu, la rondeur n’indique pas la même chose qu’une forme angulaire, les majuscules n’indiquent pas la même chose que les minuscules.
Un bon logo peut donc être compris, sans être expliqué, et surtout reconnaissable même amputé. Ainsi, si je vous montre ces logos, vous les reconnaitrez tous, même sans les noms :
La chose est plus compliqué avec les logos n’étant qu’un nom, comme c’est souvent le cas chez les marques de luxe. Pour contrer ça, les graphistes ont travaillé sur la typographie. Elle devient élaborée, baroque, gothique, classique, manuscrite. Le plus souvent, un monogramme est créé pour aider à la reconnaissance. Ainsi, en reprenant des typographies de logos connus, il est plus ardu de les reconnaître que les logos ci-dessus, mais c’est toujours possible :
Un logo raconte donc une histoire, indique des valeurs, précise une origine, symbolise une idéologie, souvent possède des sens multiples et une petite histoire.
Par exemple, l’histoire du logo Darty est célèbre. Le graphiste, cherchant la bonne idée, a réfléchi au logo et symbole parmi les plus impactants qu’il connaissait. Pragmatique, il pensa au drapeau nazi et en repris les codes : carré rouge, rond blanc, texte (symbole) noir. Idée de mauvais goût lorsqu’on sait que Darty était une entreprise familiale juive.
Le logo Carrefour est aussi un cas d’école.
• Premier sens : il s’agit du C de Carrefour dans un carré.
• Second sens : les deux flèches. Une rouge vers l’arrière (vers le passé) signifiant l’interdit, une bleue vers l’avant (vers l’avenir) signifiant l’autorisation. Cela signifie que la marque est tournée vers le futur et ne regarde pas en arrière, elle va de l’avant, vers un monde meilleur.
• Troisième sens : reprise des couleurs du drapeau français, indiquant l’origine de la marque.
Parfois, les couleurs en disent beaucoup. C’est souvent le cas des drapeaux, les logos par excellence. Porteur de sens et d’histoire. Pour le drapeau de la France, le blanc est le pouvoir royal, le bleu et le rouge sont les couleurs de Paris : le pouvoir du peuple (de Paris) encadre et surveille le pouvoir royal. Il symbolise donc la révolution et la démocratie, droit souverain du peuple.
Allons plus loin : pourquoi ces couleurs ? Pour Paris, le bleu représente Sainte Geneviève, le rouge Saint Denis, les saints patrons de la ville (Ste Geneviève aurait protégé Paris de l’invasion d’Attila et des Huns en 451, quant à St Denis, c’est le premier évêque de Paris en 245). Le blanc royal à une origine plus compliqué : pureté, droit divin, la foi, la Vierge Marie (Sainte patronne de la France), rappel de la blancheur immaculée des étendards gaulois (qui ont inventé le savon, c’est pour ça) selon un auteur du XVIe siècle… Mais je digresse. Revenons à nos logos. Car ils ne vont pas bien.
La crise des logos
Si l’avènement de la suite Adobe a déclenché un déluge de logos et de créativités, il a aussi sonné sa dévalorisation. Les personnes se sont mises à penser qu’un logo ne servait pas à grand-chose, que ça prenait 5 minutes à faire. Qui n’a jamais entendu « Si un bon logo faisait vendre, ça se saurait ! ». Et, surprise !, ça se sait. Mais les gens oublient. Et c’est bien triste. Des sites proposent des logos à 5 € réalisé à la va-vite. Aucune idée derrière, aucune symbolique, aucune différenciation. Les logos sont pondus à la chaîne et sans stratégie. Souvenir ému de ses amis, ayant acheté un logo à 5€ et un site de e-commerce à 500€ en Inde, se plaignant qu’ils ne font pas de vente. Forcément, avec un site et un logo qui ressemblent à un sous-Wish, difficile d’inspirer confiance, de transmettre une idée de qualité.
Un logo est le miroir de l’activité de l’entreprise : un mauvais logo va avoir un impact sur les ventes, sur la mémorabilité d’un logo, sur l’acte d’achat et la fidélisation du client. Un bon logo est essentiel. D’autant plus à notre époque du Story Telling, où les gens sont friands d’une petite histoire. Avec un logo travaillé, il est aisé de raconter une histoire sur la fondation de la marque, sur le sens caché des symboles, et donc, d’intéresser et de se rendre mémorable et sérieux. On crée une intimité avec le spectateur.
Outre la méconnaissance en marketing et en communication des nouveaux créateurs d’entreprise, qui poussent à la création de logos insipides et sans sens, il y a une autre menace qui plane sur les logos : le smartphone. En 2020, l’usage des smartphones sur les sites de e-commerce atteint 55% du trafic. Plus de la moitié voit donc la marque, et donc le logo, en petit, au bout des doigts. Des écrans qui réduisent fortement la taille du logo et donc la lisibilité pour les logos élaborés. De même, l’utilisation des réseaux sociaux accentue encore cet état de fait. Pour placer son logo sur un image corporate, publicitaire ou d’influenceur, il y a moins de place. C’est comme cela que l’on arrive à ce genre d’aberration :
Toutes les marques se confondent, toutes les identités sont perdues. Un logo se doit de changer, d’évoluer avec le temps, le contexte et la culture. Cela dit, on assiste ici à une perte d’identité plutôt qu’à une évolution.
Alors, je me lève et je proteste ! Ne cédez pas au logo à 5 €, ne cédez pas à l’uniformisation ! Un logo, c’est un morceau de l’âme de votre entreprise, ne la sous-estimez pas. Ou alors votre entreprise n’a pas d’âme ? C’est possible, mais c’est un autre débat…