La liberté d’expression est régulièrement brandie comme un étendard sacré, notamment par ceux qui la comprennent le moins. Ce n’est pas une surprise : défendre une liberté sans en saisir les contours, permet de se poser en garant de la morale universelle, en déblatérant de parfaits contre-sens.
C’est précisément ce que fait aujourd’hui l’administration trumpiste, et en particulier son vice-président J. D. Vance, en affirmant que l’Europe aurait sacrifié la liberté d’expression sur l’autel du politiquement correct et de la censure. Mais derrière ces grandes déclarations, on retrouve le même mépris habituel, typique de cette nouvelle vague réactionnaire maintenant au pouvoir (avec comme porte-étendards un Elon Musk et un Donald Trump avec leur vision du monde étroite et mercantile) : les États-Unis pensent pouvoir cracher à la gueule des Européens sous prétexte de défendre des valeurs qu’ils ne comprennent visiblement pas.
Une conception erronée de la liberté
La liberté d’expression, telle qu’elle est définie en Europe, n’a jamais consisté à pouvoir dire tout et n’importe quoi. Cette liberté trouve son origine dans les Lumières et a donné naissance à l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui protège l’expression, mais pose aussi des limites “légitimes” pour préserver l’ordre public et les droits d’autrui.
Ce n’est pas une simple fantaisie, c’est une nécessité. Toute liberté doit être encadrée pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil d’oppression. C’est précisément ce que J. D. Vance semble ne pas comprendre lorsqu’il affirme que l’Europe “réprime” l’expression. Ce qu’il appelle une répression est en réalité une protection : celle des individus contre les discours de haine, les appels à la violence et les idéologies destructrices.
Les États-Unis, donneurs de leçons ou amnésiques ?
Le vice-président américain s’indigne que des propos haineux soient poursuivis en justice en Allemagne, que des élections soient annulées en Roumanie pour cause d’ingérence Russe, ou que certaines plateformes en Europe modèrent plus strictement leurs contenus. Il y voit des menaces plus grandes que celles que feraient peser la Russie ou la Chine. Sérieusement ?
Comment peut-on dire cela en venant d’un pays où des livres sont interdits dans des écoles sous prétexte qu’ils abordent le racisme, l’esclavage ou l’homosexualité ? Où des professeurs risquent leur emploi s’ils osent parler de certaines réalités historiques ? Où les médias sont gangrenés par des milliardaires prêts à modeler l’opinion publique à leur guise ?
La liberté d’expression aux États-Unis n’a rien d’un modèle universel. Elle est surtout l’outil des plus puissants, utilisés pour faire taire ceux qui dérangent et amplifier les voix qui leur sont favorables. Alors avant de nous donner des leçons, peut-être que les États-Unis pourraient commencer par balayer devant leur propre porte.
Pourquoi interdire certains propos, c’est protéger la liberté
L’Europe interdit donc certains discours. Pourquoi ? C’est assez simple quand on prend le temps d’y penser : ce n’est pas pour limiter la liberté d’expression, mais pour la protéger. Oui, en Allemagne, la négation de l’Holocauste et l’apologie du nazisme sont interdites. Et c’est une excellente chose. Nous avons appris de l’histoire que certaines idéologies ne méritent pas d’être tolérées, car elles ne visent pas un débat d’idées, mais la destruction pure et simple de certains groupes humains.
La fameuse phrase « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » n’est pas un simple expression (Google me dit que c’est un aphorisme) : c’est un principe de société. La liberté n’est pas absolue et sans limite, mais elle doit être nuancée et encadrée avec la responsabilité qu’elle implique. Une société qui laisse proliférer des discours haineux au nom de la liberté d’expression finit toujours par en payer le prix.
Interdire certains propos, ce n’est pas censurer. C’est garantir que chacun puisse évoluer dans un espace où la parole n’est pas une arme de destruction.
Conclusion : une leçon de plus
Les Américains aiment donner des leçons, mais ils devraient se demander s’ils sont bien placés pour le faire. L’Europe a compris qu’une liberté sans limites mène à la domination des plus forts et à la destruction des plus vulnérables. Les États-Unis, eux, s’accrochent à une vision puérile où toute limite est perçue comme une menace. Ils se font parangons de progressisme, alors qu’ils sont en réalité dangereusement réactionnaire…
1 Comment
Constantin
Tu as raison. Ça me rappelle Popper et son argument qu’on a le droit de ne pas tolérer l’intolerant.